Voiture électrique : et si la baisse des prix passait par une moindre autonomie ?
Publié le 29 janvier 2019 à 13h00 | Fabrice SPATH | 4 minutes
ANALYSE - Dans un contexte de surenchère quant à la capacité des batteries, les industriels appellent à la modération. En attendant des effets de volume et l’arrivée des accumulateurs solides, ces derniers alertent marchés et pouvoirs publics sur la nécessité de mettre en cohérence l’autonomie des véhicules électriques avec les besoins quotidiens des automobilistes.
« Le développement en masse de l’électrique viendra par l’offre et par la réduction du prix. Si le marché a besoin aujourd’hui de se rassurer avec de grandes autonomies, faire baisser le prix des voitures électriques ne sera possible qu’en réduisant la taille des batteries et donc revenir à des autonomies plus en cohérence avec l’usage d’une grande majorité d’utilisateurs. »
Pleine de bon sens, la déclaration a été faite en fin d’année dernière par Lionel French-Keogh, le directeur général de Hyundai Motor France. Alors que le constructeur sud-coréen livrait les premiers clients de son petit crossover Kona Electric dont la batterie d’une capacité de 64 kWh devrait représenter les trois quarts de ses ventes, le dirigeant a fait part de ses inquiétudes au sujet de la progression constante de la taille des accumulateurs embarqués.
Phénomène de surenchère
Le phénomène touche l’ensemble du marché qui, l’an dernier, a pesé 2,5 % des immatriculations en Europe, avec un total de 386 347 modèles électriques et hybrides rechargeables nouvellement immatriculés (en hausse de 33 % sur un an).
Le leader Nissan a ainsi fait croître la pile Lithium-Ion sur sa compacte LEAF de 24 à 30 kWh sur la première génération à 40 kWh sur la seconde avant de lancer en ce début d’année une version à autonomie étendue de 62 kWh.
Son allié Renault a pris le même chemin, en troquant à l’automne 2016 la batterie de 22 kWh installée sur sa citadine ZOE par une 41 kWh. En revanche, le grand utilitaire Master Z.E. principalement employé pour la messagerie a dû se contenter d’une pile de 33 kWh issu du petit-frère Kangoo Z.E.
Et les exemples ne manquent pas : Volkswagen et sa compacte e-Golf, Hyundai et sa berline IONIQ prochainement restylée, … Tesla a même récemment décidé de retirer de son catalogue la version 75D des Model S et X, au profit de la seule batterie de 100 kWh.
Pourquoi l’électrique restera inabordable pour les revenus modestes ?
Batterie : 40 % du prix moyen d’une électrique
Si l’autonomie a ainsi fortement progressé ces deux dernières années, elle aussi eu pour conséquence de renchérir - parfois de façon considérable - le prix de vente des modèles.
Représentant encore 40 % du prix public d’un véhicule électrique, la batterie dont les cellules sont très majoritairement fournies par des équipementiers asiatiques pèse sur sa compétitivité. Quand bien même les coûts à l’usage sont très inférieurs à un modèle thermique équivalent, que la fiabilité de sa chaîne de traction se renforce au fil des générations et que sa valeur résiduelle ne cessera de progresser face aux menaces des restrictions de circulation.
Reste qu’avec un prix au kWh moyen de 240 euros, les batteries de 64 kWh embarquées à bord des Kia eNiro et des Hyundai Kona dépassent les 15 000 euros l’unité. De quoi acheter une citadine essence …
Citadines électriques : des économies facturées au prix fort
Se concentrer sur l’infrastructure de charge
En attendant l’avènement des batteries solides qui promettent densité énergétique exceptionnelle, temps de charge extrêmement réduit, sécurité accrue et coûts marginaux, les constructeurs font appel au bon sens des consommateurs.
Selon la dernière enquête IPSOS Avere-France/Mobivia, les automobilistes français parcourent en moyenne 29 km par jour, un chiffre en recul de 2 km par rapport à 2016. Et malgré une utilisation plus intensive des modèles électriques par leurs propriétaires - la télématique de Nissan a relevé une moyenne quotidienne de 60 km sur ses nouvelles LEAF -, les autonomies de 200 à 350 km actuelles suffisent à couvrir l’équivalent d’une semaine de trajets domicile-travail.
Si les industriels poursuivent leurs efforts pour faire baisser les prix - Volkswagen annonce une compacte avec 330 km d’autonomie facturée 25 000 euros (hors aide) -, ils doivent aussi exiger des pouvoirs publics et de leurs partenaires exploitants de réseaux une meilleure couverture dans le domaine des infrastructures de charge rapide, à l’image de ce que le consortium privé IONITY a entrepris sur le Vieux Continent.
Une exigence réclamée publiquement par Carlos Tavares, le Président de PSA Group et de l’ACEA, afin que l’automobile reste synonyme de liberté et que l’idée reçue selon laquelle l’électrique est cantonnée aux environnements urbains tombe définitivement.