Batteries : pourquoi la France va y investir 700 millions d’euros

Publié le 15 février 2019 à 07h00 | Fabrice SPATH | 4 minutes

ANALYSE - Après les annonces de l’automne dernier, la France promet de débloquer une enveloppe de 700 millions d’euros sur cinq ans afin de soutenir le développement d’une filière en Europe. Parmi les objectifs de cet Airbus des batteries : réduire la dépendance aux fournisseurs asiatiques dont les cellules représentent 30 à 40 % du prix de vente d’un véhicule électrique.


Pour respecter les objectifs de réduction des émissions de CO2 de leurs gammes, les constructeurs tricolores se sont lancés dans l’électrification de leurs modèles. Si PSA Group s’est contenté en 2012 de mettre sur le marché des versions rebadgées de la citadine Mitsubishi i-MiEV, Renault a lancé la même année la production de sa ZOE qui, après une série de mises à jour, bénéficiera d’une seconde génération à l’automne prochain.

Au même moment, Peugeot lancera la déclinaison électrique de sa 208 ainsi que les versions hybrides rechargeables du SUV 3008 et de la familiale 508. Chez DS Automobiles, le petit crossover DS3 Crossback ainsi que le SUV DS7 Crossback hériteront tous deux du label E-Tense. Longtemps réfractaire aux hybrides rechargeables, Renault lancera en 2020 les variantes à très faibles émissions du crossover Captur et de la compacte Mégane.
 

Production asiatique en Europe

Autant de nouveautés qui seront alimentées par des batteries dont la capacité oscillera entre 10 kWh - pour les hybrides rechargeables - et 50 kWh pour les véhicules 100 % électriques. Des accumulateurs Lithium-Ion dont les cellules seront fournies par des équipementiers sud-coréens et chinois, ces derniers n’hésitant pas à installer des sites de production en Europe centrale ou en Allemagne.

LG Chem, Samsung SDI, SK Innovation ou encore CATL détiennent un quasi-monopole de la fabrication des cellules sur le continent, un élément indispensable à la confection de batteries assurée par les constructeurs automobiles. Et si les groupes PSA, BMW ou Daimler annoncent l’ouverture de sites de production de batteries en Slovaquie, en Allemagne ou en Pologne, il ne s’agit que d’un assemblage final.

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30 à 40 % du prix de vente d’un véhicule

En moyenne facturée au client final 230 euros le kWh, une pile Lithium-Ion représente de 30 à 40 % du prix de vente d’un modèle électrique pur. Une proportion qui, si elle n’a pas été prise au sérieux avant que ne soit entériné les nouveaux objectifs en matière de réduction des émissions de CO2 (95 g/km en moyenne à compter de 2021), rend désormais tous les constructeurs occidentaux dépendants des fournisseurs asiatiques.

Très récemment, Audi en a fait l’amère expérience au lancement de son premier véhicule électrique, le SUV e-tron, lorsque LG Chem a brutalement demandé une revalorisation du prix de vente de ses batteries. Seuls Nissan et Tesla ont investi très tôt dans la production de cellules, en partenariat avec NEC et Panasonic. À la fois pour ne pas dépendre de fournisseurs tiers mais aussi en raison de l’absence de réelle offre au début des années 2010.

Atermoiements du secteur privé

Face aux atermoiements de ses constructeurs et équipementiers parmi lesquels Continental, R. Bosch et surtout Volkswagen dont l’ambition est de produire 1 million de véhicules électriques par an à compter de 2025, le gouvernement allemand a été le premier à dénoncer leur absence de vision industrielle et à chercher des solutions pour tenter de contrecarrer l’hégémonie asiatique.

Après avoir noué un partenariat avec la Pologne et annoncé un investissement sur fonds propres d’un montant d’un milliard d’euros en faveur de la filière batteries, l’Allemagne a signé en décembre 2018 un accord de coopération avec la France pour créer une véritable filière européenne dont les deux missions principales seront d’alimenter les constructeurs en cellules aux tarifs compétitifs et de développer la prochaine génération d’accumulateurs.

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De la conception au recyclage des batteries

Deux mois plus tard, la France abonde donc à hauteur de 700 millions d’euros les 1,15 milliard d’euros finalement débloqué par son puissant voisin. Une enveloppe qui sera investie sur les 5 prochaines années dans le cadre d’un « projet important d’intérêt européen commun » (IPCEI) qui doit encore être validé par la Commission.

Une initiative qui complétera celles déjà engagées par le secteur privé avec Saft, Siemens, Manz et Solvay d’un côté, BMW, Umicore et Northvolt de l’autre. Autant d’acteurs qui se positionnent sur l’ensemble du cycle de vie de la batterie, de sa conception à son recyclage, en passant par sa fabrication et sa seconde vie (stockage d’énergie stationnaire).

Fabrice SPATH

Fabrice SPATH

Cofondateur du site, Fabrice roule en électrique la semaine et en hybride rechargeable le week-end. Après être passé par la case ingénierie chez des constructeurs et équipementiers outre-Rhin, il collabore régulièrement avec la rédaction et travaille au développement de la place de marché.

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