Qualité de l’air : comment les villes contournent les normes en Europe ?
Publié le 29 mai 2018 à 07h00 | Fabrice SPATH | 3 minutes
En 2008 et 2013 alors que le niveau de pollution détecté était deux fois supérieur à la limite légale, la ville de Bruxelles a coupé les capteurs jugés défaillants
Pour respecter les limites de concentration des gaz polluants dans leurs rues, certaines métropoles européennes emploient en toute légalité des astuces destinées à respecter les normes imposées par Bruxelles. Hauteur des capteurs, distance par rapport à la route ou encore matériel jugé défectueux font partie de la panoplie des villes les moins scrupuleuses.
Hambourg sera la première ville allemande à interdire les véhicules diesel ne respectant pas la norme Euro 5 et dont la première mise en circulation est antérieure à 2014 sur deux axes jugés particulièrement pollués par l’exécutif. Une restriction de circulation qui interviendra dès la fin du mois et rendue possible par une décision de la Cour administrative fédérale de Leipzig rendue en février dernier et validée la semaine passée. Objectif de cette interdiction : améliorer la qualité de l’air qui, en Europe, est responsable de 500 000 décès prématurés chaque année (source OMS).
Vers un report de la pollution ?
Selon Ugo Taddei, l’un des avocats du cabinet ClientEarth qui a poursuivi en justice les villes du pays pour non-respect des normes d’émissions de dioxyde d’azote (NOx) rejeté à 60 % par les véhicules diesel dans les centres urbains, l’effet pervers de cette mesure est de reporter une partie du trafic sur d’autres axes … qui ne sont pas équipés de capteurs de pollution. Interrogé par le Financial Times, l’avocat cite plusieurs villes qui ont contourné la directive européenne de 2008 pour laquelle la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni viennent d’être renvoyés par la Commission devant la justice.
L’emplacement des capteurs en débat
Au Danemark, la ville de Copenhague a ainsi déplacé les capteurs à 10 mètres des voies de circulation, améliorant ainsi de 20 % les indicateurs. A Munich, les capteurs ont été installés sur des mâts de 4 mètres et non à hauteur d’homme (1,5 m). A Bruxelles, les autorités ont décidé à deux reprises – en 2008 et en 2013 – de couper l’alimentation en électricité de l’instrumentation alors que la pollution détectée était deux fois supérieure à la limite légale. Pour justifier sa décision, la ville a affirmé que les stations n'étaient pas fiables. En décembre, l'affaire a été transmise à la Cour européenne de justice.
L’esprit de la loi bafoué
Si la loi a été respectée dans l’ensemble de ces « arrangements », son esprit a été bafoué de même que le droit des habitants des métropoles à respirer un air plus sain. Au législateur européen de préciser les modalités d’installation des capteurs et d’appliquer des sanctions financières envers les contrevenants. L’an passé, la Pologne et la Bulgarie ont été condamnées pour manquements répétés quant à l’application de la directive, mais les deux pays n’ont jamais été financièrement sanctionnés. En théorie, les textes prévoient une amende d’au moins 11 millions d’euros et des astreintes journalières de 240 000 euros jusqu’au respect des normes.