Émissions de CO2 : pourquoi Fiat achète à Tesla un droit à polluer ?
Publié le 12 avril 2019 à 09h29 | Fabrice SPATH | 4 minutes
ANALYSE - Pour réduire la moyenne des émissions de CO2 de ses modèles, le groupe italo-américain Fiat Chrysler Automobiles (FCA) fait l’acquisition auprès de Tesla de crédits-carbone pour un montant de « plusieurs millions de dollars ». Objectif : respecter la future réglementation européenne et surtout éviter de lourdes sanctions financières. Explications.
Tout un symbole ! Longtemps opposé à toute forme d’électrification, le groupe Fiat Chrysler Automobiles (FCA) s’est engagé très tardivement dans le déploiement de chaînes de traction à batteries sur ses modèles, à l’image des futures Jeep Renegade PHEV, Fiat 500e et Maserati Alfieri.
Mais l’entrée en vigueur des lois « zéro émission » dans plusieurs États et provinces du continent nord-américain - dont la Californie, l’Oregon et le Québec - a poussé le groupe dirigé jusqu’en 2018 par Sergio Marchionne à commercialiser la version électrique de la Fiat 500 ainsi que la version hybride rechargeable du monospace Chrysler Pacifica.
Des crédits-carbone pour abaisser la moyenne des émissions
Très en retard sur les objectifs de réduction de ses émissions de CO2 en Europe, le groupe est désormais contraint d’électrifier la majeure partie de ses modèles pour éviter une amende record. Des sanctions financières d’un montant total de 14 milliards d’euros qu’une dizaine de constructeurs pourraient avoir à se partager d’ici deux ans.
Pour atteindre la moyenne des 95 grammes de CO2 par kilomètre parcouru au 1er janvier 2021, FCA a décidé de débourser « plusieurs millions de dollars » pour faire l’acquisition auprès de Tesla de crédits-carbone. En somme, un droit à polluer déjà mis à profit par la firme de Palo Alto aux États-Unis et qui lui a permis par le passé de rembourser une partie du prêt accordé par le gouvernement fédéral.
Émissions de CO2 : le choc électrique ou les sanctions financières
Un dispositif qui, avec les volumes croissants de production, représente une activité à part entière et génère chaque année des centaines de millions de dollars. Des revenus tirés de la vente des « zero emission vehicles credits » (ZEV Credits) auprès des constructeurs moins vertueux en matière d’émissions de CO2, qui ne sont pas parvenus sur l’année à rassembler suffisamment de crédits - toutes motorisations confondues, l’électrique comptant davantage qu’une essence - et sont menacés d’une amende.
Une transaction qui ne sera pas la dernière
Si FCA fait déjà partie des groupes automobiles qui achètent régulièrement des crédits-carbone à Tesla aux États-Unis, c’est désormais l’Europe qui est concernée par ces transactions. Une information récemment révélée par le Financial Times qui précise que la transaction porte sur « plusieurs centaines de millions de dollars. »
Un montant à l’image du retard pris par l’industriel dans la réduction des émissions moyennes de CO2 de ses modèles qui, en 2018, se sont établies à 125,3 g/km (source JATO Dynamics).
Maserati : dès 2022, chaque modèle sera disponible en électrique ou en hybride
Impacté par le fort recul de la motorisation diesel - moins émettrice en CO2 qu’un bloc essence de même puissance - et la croissance du marché des SUV - moins sobre qu’une berline équivalente -, Fiat ne pourra atteindre les objectifs fixés par l’Europe en 2020 - même si les 5 % des véhicules les plus polluants ne seront pas comptabilisés - et pour 2021 qui imposeront à tous les groupes commercialisant annuellement plus de 300 000 véhicules de respecter une moyenne de 95 g/km.
Le droit à polluer que FCA s’apprête à acheter en Europe doit lui permettre d’éviter les sanctions financières dont le montant s’élèvera à 95 euros par gramme supplémentaire et par véhicule vendu.
Une transaction qui ne sera pas la dernière, le mauvais élève Mazda (130 g/km) et le vertueux Toyota « se sont déjà entendus pour réduire en Europe la moyenne de leurs flottes », selon un expert du cabinet GlobalData interrogé par nos confrères de Challenges.