Électrification : pourquoi Ford fait-il fausse route en Europe
Publié le 04 avril 2019 à 21h46 | Fabrice SPATH | 3 minutes
ANALYSE - Lors du très attendu événement « Go Further » qui s’est tenu hier à Amsterdam, Ford a révélé sa stratégie européenne en matière d’électrification de sa gamme et annoncé 16 nouveaux modèles, hybrides légers et hybrides pour la plupart. Un programme qui ne suffira vraisemblablement pas à atteindre l’objectif des 95 g de CO2/km fixé par l’Europe à compter de 2021.
L’ancien leader nord-américain de la motorisation hybride rechargeable - grâce aux versions Energi de son monospace compact C-MAX et de sa familiale Mondeo/Fusion - l’avait annoncé plus tôt cette année : l’ensemble de ses gammes de véhicules particuliers (VP) et utilitaires légers (VUL) sera électrifiée.
Un effort qui ira de pair avec une restructuration de la filiale européenne, déficitaire, et la suppression de plusieurs milliers d’emplois, dont 800 sur le site de Blanquefort (Gironde) et 5 000 à Cologne et Saarlouis (Allemagne). Objectif : atteindre l’équilibre financier et des émissions moyennes de 95 g/km parcouru au 1er janvier 2021.
Des modèles électrifiés très émetteurs
Pour autant, le plan produits révélé hier semble beaucoup trop timoré pour rester « dans les clous » de la future réglementation, fruit d’un accord conclu en 2013 entre la Commission et le Parlement de l’Union : outre la disparition des monospaces B-MAX et C-MAX et le sursis de trois ans donné à la familiale Mondeo - récemment déclinée dans une version break hybride -, la priorité est donnée à l’hybridation légère 48 volts (Mild Hybrid) et aux SUV.
Sur les 16 « nouveautés » électrifiées, seules deux sont 100 % électriques - l’utilitaire Transit 2,5 tonnes et un SUV offrant une autonomie WLTP de 600 km -, quatre sont hybrides rechargeables, trois sont hybrides essence-électrique ou diesel-électrique (pour le Kuga), sept sont hybrides légers.
Ford : les Fiesta et Focus se convertissent à l’hybridation légère
Si les deux premières catégories revendiquent des émissions de CO2 inférieures à 50 g/km - à l’exception du gros SUV Explorer dont les 75 grammes l’excluront de la plupart des avantages fiscaux en Europe, dont l’exonération totale de TVS en France -, les émissions des hybrides classiques et légers qui représenteront la majorité des ventes oscillent entre 96 et plus de 130 g/km.
Le risque des sanctions financières en 2021
Sur la citadine Fiesta, la compacte Focus - dont la version électrique a définitivement été retirée du catalogue en 2017 - et le crossover compact Kuga, la technologie EcoBoost (Mild Hybrid) qui associe un 3 cylindres essence turbo (4 cylindres diesel turbo sur le Kuga) à un alternodémarreur et à un réseau électrique secondaire en 48 volts, les gains en matière d’émissions sont très limités. Sur les deux premières, le gain est de 1 à 2 grammes tandis que le Kuga émet 132 g/km.
Une stratégie d’électrification a minima en laquelle semble croire le constructeur mais qui, vraisemblablement, ne lui permettra pas d’atteindre les 95 grammes d’ici deux ans et fera de lui l’un des nombreux industriels qui se partageront une amende d’un montant de 14 milliards d’euros.
Émissions de CO2 : le choc électrique ou les sanctions financières
Alors que ses émissions ont augmenté de 2,9 grammes (à 123,7 g) en 2018, Ford se refuse à commercialiser une voiture électrique grand public, à l’image de ce qu’ont réalisés dès 2010 puis 2012 Nissan et Renault avec leurs LEAF et ZOE. Une stratégie déjà payante pour Nissan, ses émissions moyennes ayant reculé l’an passé de 5,2 grammes (à 110,6 g) grâce aux excellentes performances de sa compacte « zéro émission », numéro 1 des ventes en Europe.