Dieselgate : en finir avec le véhicule diesel !
Publié le 25 avril 2016 à 11h15 | Jean-Christophe LEFEVRE | 5 minutes
En 2003, Tokyo a banni tous les véhicules diesel de ses rues au profit des essence et hybrides (crédits : Japan Photo Library)
Comme nous le dénonçons depuis le début de l’affaire du Dieselgate du groupe Volkswagen aux Etats-Unis, ce n’est pas tant de savoir qui a triché et comment (un secret de Polichinelle, lire notre précédente chronique) mais plutôt de pointer du doigt la duplicité des politiques et des législateurs européens qui font semblant de découvrir aujourd’hui que les normes européennes, même sévérisées prochainement, ne protègent pas encore assez la santé publique du principal fauteur de trouble : le diesel. Explications par Jean-Christophe Lefèvre.
Etats-Unis VS Europe
Chaque jour a droit à son rebondissement dans l’affaire de la tricherie de Volkswagen sur son logiciel de pilotage du système de dépollution de ses moteurs diesel commercialisés aux Etats-Unis. Sans ce programme, les 2.0 TDI et 3.0 V6 TDI ne franchiraient pas les normes américaines de pollution (oxydes d’azote et particules), deux fois plus sévères (grossièrement) que les normes européennes actuelles (NEDC). Le consommateur européen doit donc se contenter de véhicules neufs deux fois plus polluants sans vraiment pouvoir exiger ou même influencer le législateur. Sauf si la pression médiatique devient trop forte et que la justice s’en mêle.
Personne ne triche … en France
En France, la Commission Royal a préempté le sujet et plus question de contester le bienfondé des protocoles de mesures et l’objectif de dénicher des logiciels espions. Aucun des véhicules diesel testés ne trichent, tout va bien ! Sauf que tous les véhicules testés (52 sur une centaine au total) polluent entre cinq et dix fois plus en NOx et CO2 que la norme Euro 6, encore bien éloignée du cycle RDE exigible en 2019 et qui pourra être dépassé 2,1 fois (« real driving emission ») ! Belle découverte qui permet au gouvernement de dénoncer les coupables selon une savante logique politique : d’abord les étrangers comme Opel, Ford ou Volkswagen et Fiat ou encore Mercedes puis Renault (assez mal placé) et Peugeot et Citroën qui s’en tirent bien.
La Répression des fraudes (DGCCRF) a même été dépêchée chez les constructeurs hexagonaux pour déterminer l’ampleur des écarts constatés entre les déclarations obligatoires pour les certifications des véhicules et la réalité de leur utilisation sur routes (carte grise et niveau de pollution au CO2 servant entre autres à la détermination du bonus/malus et, accessoirement de la TVS). Belle découverte que tout un chacun a depuis longtemps constaté en faisant le plein de carburant.
On peut donc s’attendre à ce que la Commission Royal accouche d’une souris polluée et toussotant, mais qu’aucune action en justice ne soit diligentée à un an des élections présidentielles peu favorables à la gauche. Les « experts » et constructeurs hexagonaux se cachant derrière le respect effectif des normes de dépollution lors de l’homologation des véhicules, norme RDE y compris. En regard, la « tricherie » récente de Mitsubishi au Japon qui a homologué des véhicules avec des pneumatiques de petites dimensions non commercialisés par la suite paraît bien dérisoire.
Tous les constructeurs trichent … en Allemagne, cherchez l’erreur !
Mais le grain de sable qui détraque tout pourrait venir d’ailleurs en Europe. D’Allemagne précisément qui est le premier pays européen à dénoncer les tricheries, mensonges et autres dissimulations techniques au regard du législateur : des irrégularités ont été constatées dans les niveaux d’émissions de gaz polluants après de longs mois d’enquête sur les véhicules diesel en circulation et homologués sur le territoire allemand. Tous les constructeurs d’outre-Rhin y passent depuis la semaine dernière (Audi, Mercedes, Opel, Porsche et Volkswagen) mais aussi 11 constructeurs étrangers : Alfa Romeo, Chevrolet, Dacia, Fiat, Hyundai, Jaguar, Jeep, Land Rover, Nissan, Renault et Suzuki. Etrangement, Peugeot et Citroën échappent au pilori.
Et le ministre des Transports, Alexander Dobrindt de dénoncer la désactivation du système de dépollution des moteurs diesel quand la température extérieure passe sous un certain seuil. Or, cette procédure n'est autorisée que si elle permet d'éviter un accident ou un dommage causé au moteur. Une « ruse » technique déjà découverte et dénoncée en France sur les Renault Espace et Kadjar 1.6 dCi et qui seront remis aux normes par le constructeur. Pour les constructeurs allemands, il ne s’agit ni plus ni moins de 630 000 véhicules en Europe, et ce n’est qu’un début.
Voiture diesel : vers une interdiction progressive en Europe ?
Exiger des normes plus sévères
A chaque fois, que ce soit Renault, PSA ou Mercedes et Volkswagen, le respect de la norme implique un nouvel équipement de dépollution du diesel (Euro 6 exige EGR, SCR et NOx Trap) qui devient financièrement insupportable par le consommateur avec environ 500 euros de plus à chaque fois. Quand finira-t-on par comprendre que, comparativement, le surcoût de l’hybridation sur un moteur essence est moins élevé et bien plus « propre », même en condition de roulage selon la norme RDE ?
Difficile dans ces conditions de faire aveuglément confiance aux constructeurs, aux équipementiers (Bosch a été le premier à proposer dès 1999 un logiciel de falsification à Audi) et au législateur européen qui doit prendre en compte l’emploi automobile en Europe lié au moteur diesel (50 % du marché, 1 % au Japon). Il faut donc commencer par exiger des constructeurs qu’ils respectent leurs engagements, la loi et ses règlements et que la Commission européenne adopte enfin les protocoles et certifications de dépollution les plus sévères, ceux en cours aux Etats-Unis et au Japon. Tokyo a banni depuis 2003 le diesel dans la capitale nipponne où les voitures électriques et hybrides peuvent évoluer tranquillement. Un exemple à suivre par Paris et l’Hexagone de toute urgence !