Bornes de recharge rapide : vers une hausse inéluctable des tarifs
Publié le 03 janvier 2022 à 09h06 | Fabrice SPATH | 6 minutes
ANALYSE – Sous les effets conjoints de la hausse du prix du gaz et du prix du CO2, l’électricité atteint des sommets sur les marchés. En 2021, son tarif a plus que triplé à plus de 200 euros le MWh. Une augmentation sans précédent qui a déjà contraint les exploitants de stations de charge à haute puissance pour véhicules électriques de modifier leurs grilles tarifaires. En 2022, le prix du kWh en station augmentera encore afin de compenser cette spirale inflationniste qui touche l’ensemble de l’Europe.
Concomitamment à la flambée des prix de marché du gaz fossile qui ont plus que triplé en 2021, les tarifs de gros de l’électricité sur le Vieux Continent ont franchi des niveaux historiques. Alors qu’un mégawattheure (MWh) s’échangeait avant la pandémie de COVID-19 aux alentours de 50 euros, la barre des 200 euros a été franchie l’automne dernier. Fin 2021, les tarifs tutoyaient même les 300 euros.
Une hausse brutale qui s’explique par le mode de calcul employé par les gestionnaires du réseau, à l’image du français RTE, qui, pour assurer un équilibre entre l’offre et la demande, établissent un niveau de prix suffisant pour couvrir les coûts de la dernière unité de production appelée. Et comme souvent celle-ci prend la forme d’une centrale au gaz, les coûts de production explosent.
Associé à la hausse des prix des quotas d’émissions de CO2 qui, eux aussi, ont plus que doublé en 2021, passant d’environ 30 à 70 euros la tonne – une centrale au gaz émet l’équivalent de 400 kg de CO2 pour produire 1 MWH -, les prix de gros de l’électricité ont fait plonger l’Europe dans une crise énergétique sans précédent.
Jusqu’à 69 cents le kWh pour Fastned à l’étranger
Dans ce contexte, les exploitants de stations de charge à haute puissance n’ont d’autre choix que d’impacter le prix du kilowattheure (kWh) à leurs clients, propriétaires ou utilisateurs de véhicules électriques. À commencer par l’américain Tesla qui a été contraint le mois dernier d’augmenter de quelques cents le prix moyen du kWh délivré par ses Superchargeurs, passant ainsi de 37 à 40 cents en France et de 40 à 45 cents d’euros en Allemagne. Soit une augmentation d’environ 10 %, impactant de seulement 1,30 euro le coût moyen d’un plein (10 à 80 %) pour une Model 3 équipée d’une batterie LFP d’une capacité totale de 60 kWh.
Chez nos voisins allemands, le néerlandais Fastned dont les premières stations viennent d’être inaugurées en France sur le réseau autoroutier APRR a été le premier exploitant à annoncer une augmentation de ses tarifs afin de compenser la hausse des prix de gros. Le 11 novembre dernier, le prix du kWh est ainsi passé de 59 à 69 cents, soit une inflation de 17 %.
Dans un mail adressé à ses clients, l’entreprise aux infrastructures reconnaissables à sa signature lumineuse jaune et à ses ombrières photovoltaïques précise : « Nous sommes […] très fiers d'avoir pu maintenir nos prix constants pendant cinq ans et en même temps d'avoir étendu notre réseau […]. Mais pour que nous puissions continuer à investir, il est important que nous réagissions à ces nouvelles circonstances. »
Tous les pays où l’exploitant est implanté ont été concernés par cette hausse, des Pays-Bas à la Belgique, en passant par la Suisse et le Royaume-Uni. Seul l’Hexagone, où le prix est fixé à 59 cents (sans abonnement), ne devrait pas être concerné à court terme par cette crise énergétique.
Pays-Bas : la révolution des bornes de recharge rapide
IONITY épargné, + 18 % pour Allego et EnBW
Outre-Rhin toujours, l’énergéticien EnBW (Energie Baden Wurttemberg) dont les premières méga stations de charge à haute puissance ont été déployées il y a seulement quelques semaines, a lui aussi emboîté le pas à la stratégie mise en œuvre par ses concurrents ces dernières années, à savoir augmenter progressivement les tarifs de ses services. Après une hausse d’environ 18 % en juillet 2021 du prix du kWh délivré au client (à 46 cents), l’entreprise basée à Karlsruhe a annoncé en fin d’année vouloir poursuivre l’augmentation des prix afin de compenser les prix de gros.
Chez le néerlandais Allego, l’un des principaux opérateurs de bornes de recharge avec 12 000 points de charge accessibles en Europe et qui installera dans les deux ans quelque 200 stations de charge rapide sur les parkings de l’enseigne de distribution Carrefour en France, la grille évolue elle aussi. Dans un communiqué de presse, l’entreprise qui compte parmi ses actionnaires le fonds français Meridiam précise : « L'énorme augmentation des prix de l'électricité à travers l'Europe nous affecte malheureusement aussi. » Conséquence : le kWh sur une station haute puissance est facturé 69 cents depuis le 1er janvier (+ 17 %).
Pas de changement en revanche du côté du consortium IONITY qui rassemble les marques Audi, BMW, Ford, Hyundai-Kia, Mercedes-Benz, Porsche et Volkswagen dont les tarifs sont déjà parmi les plus élevés du continent, avec un kWh fixé à 79 cents (79 cents la minute en France).
Voiture électrique : le concurrent allemand d’EDF commande 14 000 unités
Des tarifs qui ne couvrent déjà plus le prix de l’électricité
Cette tendance inflationniste ne devrait, à moyen terme, pas s’inverser en raison des prix de marché de gros qui sont dopés par la forte croissance de la demande liée à la reprise de l’activité économique mais aussi aux incertitudes de nature géopolitique liée à la dépendance européenne au gaz russe.
Si la France semble relativement épargnée par ce phénomène, le pays aux 50 000 bornes de recharge et aux tarifs d’électricité réglementé – dont ne bénéficient pas les opérateurs privés – subira lui aussi une hausse importante de ses tarifs d’électricité « hors domicile », ce dernier étant pour le moment préservé de la réalité du marché en raison de sa position éminemment politique dans le débat pré-électoral annonçant les élections présidentielle puis législatives du printemps.
Et quand bien même Tesla n’a jamais souhaité vouloir transformer ses Superchargeurs en centres de profit, les 40 cents actuellement facturés aux clients ne couvrent déjà plus le prix de l’énergie ainsi que la maintenance et la supervision des bornes. Une situation intenable pour un acteur économique qui se traduira indubitablement par une hausse sensible des tarifs des stations de charge rapide dans les prochains mois. Et ce, quel que soit l’exploitant.