Voiture électrique : la batterie et sa capacité, casse-tête des acheteurs
Publié le 26 septembre 2018 à 13h00 | Fabrice SPATH | 5 minutes
Longtemps véhicule électrique le plus vendu de la planète, la compacte Nissan LEAF embarque une batterie d'une capacité totale de 40 kWh offrant une autonomie WLTP de 270 km
ANALYSE - Capacité utile ou totale ? Sur le marché encore embryonnaire des véhicules électriques mais aussi celui des hybrides rechargeables, il est souvent malaisé de distinguer la partie de la batterie réellement utilisable par le client de la totalité de l’énergie embarquée. Rajoutant de la complexité aux prises et standards de charge, les constructeurs seraient bien inspirés d’homogénéiser leurs pratiques.
Appréhender le monde du véhicule électrique n’est pas chose aisée pour un automobiliste qui, depuis l’obtention de son permis de conduire, n’a que très majoritairement raisonné en litres aux 100 kilomètres mais aussi calculé l’autonomie totale du véhicule avec un seul plein d’essence ou de gasoil. Mais l’électrification grandissante des catalogues constructeurs va progressivement modifier ces repères.
Du litre au kilowatt
Puissance du moteur électrique exprimée en kilowatts (kW), capacité de la batterie Lithium-Ion en kilowattheures (kWh), puissance délivrée par une prise ou une borne de recharge en kW, consommation énergétique moyenne en kWh/km, … S’ajoutent à ces premiers éléments de base, l’autonomie cumulée des énergies essence et électrique sur une hybride rechargeable ou encore la compatibilité des chargeurs embarqués ou des dispositifs de charge rapide avec les bornes et stations sur la voirie, les parkings des centres commerciaux ou encore ceux des aires d’autoroutes.
Passionnés ou convaincus, les premiers acheteurs de Nissan LEAF et Renault ZOE ont littéralement pris à bras le corps l’ensemble de ces sujets, n’hésitant pas à passer de longues heures sur les forums pour partager leurs expériences et démêler l’apparente complexité du véhicule électrique, notamment quant à son autonomie théorique et réelle ou encore quant à son temps de charge via différents types de prises ou bornes. La formation des conseillers en concessions combinée à des stratégies marketing plus efficaces ont depuis facilité l’achat de ce type de véhicule.
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Transparence chez Renault et Hyundai
Si le nouveau cycle d’homologation WLTP fournit aujourd’hui des relevés de consommation et d’autonomie cohérents des conditions réelles d’utilisation, il reste un domaine dans lequel les constructeurs doivent encore progresser. Lors de la présentation au Mondial de Paris 2016 de la citadine Renault ZOE dans sa version Z.E. 40, nous avions interrogé Marc Soulas, l’ingénieur en chef de la gamme « zéro émission » du constructeur, au sujet de la capacité utile de la nouvelle batterie de 41 kWh.
Et celui-ci de nous confier que la capacité annoncée est celle réellement utilisable par le client, plaçant la capacité totale de l’accumulateur au-delà des 43 kWh. Une transparence qui concerne l’ensemble de la gamme, du quadricycle Twizy au Master Z.E., en passant par le Kangoo Z.E. Chez Hyundai, interrogé sur le sujet lors des essais presse du Kona Electric à Oslo (Norvège) début juillet, Ki-Sang Lee, le Vice-Président R&D éco-mobilité précisait que la chimie de la pile Lithium-Ion Polymère fait quasiment coïncider les deux types de capacité.
Chez Volkswagen en revanche, Holger Manz, l’ingénieur à la tête du développement des systèmes haute tension, nous confiait la semaine passée à Dresde (Allemagne) lors de la présentation de la plateforme MEB (Modular Elektro Baukasten) que les futures batteries qui embarqueront dans cette nouvelle base modulaire auront une capacité utile 20 % inférieure aux chiffres qui seront présentés aux consommateurs dans les concessions.
Un choix technique lié notamment à la dégradation de la batterie sur des stations de charge à haute puissance qui ne changera rien aux autonomies homologuées des piles de 48, 62 et 84 kWh mais rendra plus difficile la comparaison en matière d’énergie embarquée entre modèles de constructeurs différents.
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Une différence de 5 à 20 %
Chez les autres industriels, le panorama est très contrasté, y compris chez le pionnier Nissan qui communique sur une batterie de 40 kWh sans jamais préciser le type de capacité. Dans les faits, la part réellement utilisable par le propriétaire d’une berline compacte LEAF et d’un utilitaire/ludospace e-NV200 est d’environ 37 kWh. Soit tout de même 4 kWh de moins que le leader français Renault ZOE.
Pour DS Automobiles qui vient de révéler les premières caractéristiques de son petit crossover DS3 Crossback E-Tense, l’accumulateur est annoncé pour 50 kWh et l’autonomie WLTP pour 330 km. Un ratio énergie embarquée / autonomie médiocre qui cache très vraisemblablement une capacité 10 % à 15 % inférieure aux 50 kWh. Autre exemple sur le segment B, la BMW i3 sanctuarise environ 2 kWh sur la capacité totale de 33 kWh.
Tesla Inc. est également touché par le phénomène : sur sa pile 75 kWh montée dans les Model S, X et 3, la capacité utile est de 72,5 kWh. Même constat chez le britannique Jaguar dont le SUV i-Pace voit la partie utilisable de son accumulateur être amputée de 5,3 kWh (à 84,7 kWh). Sur le segment des SUV électriques premiums, seul Mercedes-Benz a décidé de communiquer exclusivement sur la capacité utile de la batterie de son futur EQC.
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L’autonomie WLTP comme juge de paix
Si la base de comparaison la plus pertinente réside dans les consommations moyennes et les autonomies mesurées par le cycle WLTP, les constructeurs devraient accorder leurs violons sur l’énergie embarquée réellement utilisables pour les futurs clients de leurs offres électriques. Des acheteurs moins sensibilisés que les primo-accédant sur des sujets a priori techniques et qui compareront d’abord les différentes tailles de batteries puis l’autonomie homologuée et la consommation moyenne.
De la même façon que les acheteurs de modèles thermiques étudient l’appétit d’un véhicule mais aussi la capacité du réservoir de carburant. Il serait désormais bon d’homogénéiser l’approche sur l’énergie embarquée, au risque de dérouter un peu plus le marché après la gestion calamiteuse des prises et des standards de charge rapide.