Voiture électrique : l’Allemagne s’apprête à réintroduire une prime à la casse
Publié le 22 avril 2020 à 06h59 | Fabrice SPATH | 4 minutes
Durement touché par la pandémie de coronavirus, le secteur automobile allemand plaide pour un retour de la prime à la casse en faveur des véhicules à faibles émissions de CO2
DÉCRYPTAGE - Premier marché européen en matière d’immatriculations de véhicules électriques et hybrides rechargeables, l’Allemagne voit sa puissante filière automobile souffrir de la crise engendrée par la pandémie de coronavirus. Pressés d’introduire une nouvelle prime à la casse en faveur des modèles les plus vertueux, les constructeurs seront fixés sur la mise en place de cette aide début mai, à l’occasion d’un sommet auquel participera la Chancelière Angela Merkel.
Automne 2018 : alors que le gouvernement français planchait sur l’introduction d’une « surprime » en faveur des véhicules électriques et hybrides rechargeables financée par les industriels, Berlin contraignait le secteur à cofinancer le bonus « écologique » (Umweltbonus) afin d’accélérer le renouvellement du parc automobile, avec parfois jusqu’à 10 000 euros d’aides cumulées pour l’achat d’un modèle à faibles émissions de CO2.
Un an plus tard, l’exécutif allemand annonçait le « plan Marshall » de la mobilité électrique en débloquant une généreuse enveloppe d’un montant de 3 milliards d’euros destinés à financer les primes à l’achat de voitures à batteries rechargeables - jusqu’à 6 000 euros pour un modèle « zéro émission » dont le prix de vente est inférieur à 40 000 euros - mais aussi le déploiement d’une vaste infrastructure de recharge (1 million de points de charge publics d’ici 2030).
Les États fédéraux en faveur d’une prime à la casse
Alors que le déconfinement progressif a débuté lundi 20 avril dans le pays, la filière automobile fait depuis plusieurs semaines campagne auprès de l’exécutif pour la mise en œuvre d’une nouvelle prime à la conversion, 11 ans après le premier dispositif du genre né au lendemain de la crise financière qui a éclaté à l’automne 2018.
Plusieurs représentants politiques, essentiellement à l’échelle des Länder, se sont déjà prononcés en faveur d’une telle mesure. Au niveau fédéral en revanche, Steffen Seibert, porte-parole du gouvernement, se montre beaucoup plus prudent, estimant que Berlin pourrait être amené à « prendre des mesures supplémentaires [en faveur du secteur, ndlr] si cela s’avérera nécessaire », en complément des actions déjà entreprises.
Selon le quotidien Handelsblatt, les détails d’une nouvelle aide feront l’objet de discussions avancées avec la Chancelière Angela Merkel lors d’un sommet automobile qui devrait se tenir début mai.
Surprimes diesel : et si la France s’inspirait du modèle allemand ?
Prime à la casse, exonération de TVA, amortissement
Parmi les suggestions apportées par l’association allemande de l’industrie automobile (VDA), le renforcement du bonus « écologique » en faveur des véhicules électriques et ceux émettant peu d’émissions de CO2, l’exonération partielle ou totale de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour l’achat d’un véhicule neuf ou encore la modification des règles d’amortissement comptables pour les entreprises.
Le groupe Volkswagen fait partie des industriels à militer pour une introduction rapide de ces nouvelles aides. Interrogé par le journal économique, Ralf Brandstätter a souligné que « dans cette situation, la prime devrait être large et également inclure les véhicules modernes à moteur thermique ».
Une position partagée par plusieurs ministres parmi lesquels celui en charge du Travail, Hubertus Heil, qui, sur la chaîne de télévision publique ZDF, a récemment déclaré au sujet d’une éventuelle prime à la casse : « À un moment donné, il sera (…) nécessaire de stimuler l'économie par des mesures exceptionnelles. » Le ministre de l’Économie Peter Altmaier avait fait une déclaration similaire plus tôt. Quant aux États fédéraux, leurs représentants demandent également un soutien accru à l'industrie automobile.
Voiture électrique : comment l’Allemagne veut devenir numéro 1 en Europe
« Des erreurs qui ne doivent pas être répétées »
Claudia Kemfert, économiste spécialisée dans la protection de l'environnement à l'Institut allemand de recherche économique, met toutefois en garde contre une prime à la casse généralisée. Selon elle, il ne s’agit pas de reproduire les mêmes erreurs de 2009 où le dispositif finançait les voitures équipées de moteurs à combustion interne. Au site Watson, elle a ainsi déclaré : « Nous allons manquer les objectifs climatiques et devons encore faire face aux problèmes de particules fines et d'oxyde d'azote dans les villes. Ces erreurs ne doivent pas être répétées à l’avenir. »
Greenpeace a également critiqué la proposition. « Quiconque vend plus de diesel et d'essence aujourd'hui avec l'aide de milliards d’aides vendra moins de voitures électriques demain », explique Benjamin Stephan, l'expert en charge du secteur au sein de l'organisation environnementale. Selon lui, ni l'industrie automobile allemande ni la protection du climat ne peuvent se le permettre. « L'Allemagne n'a pas besoin d'une autre prime de mise à la casse dont la mission est de maintenir en vie des moteurs et des modèles commerciaux obsolètes, mais un bonus de développement pour des solutions de mobilité propres. »