Affaire Volkswagen : quels impacts sur le diesel en Europe ?
Publié le 22 septembre 2015 à 10h43 | Fabrice SPATH | 5 minutes
Premier constructeur automobile mondial, le groupe Volkswagen vient de reconnaître avoir triché sur les véritables émissions de ses voitures diesels commercialisées aux Etats-Unis. Avérée, cette tromperie ne fait que confirmer le décalage croissant entre consommations/émissions théoriques et réelles. En Europe, le politique vient de s’emparer du sujet et les associations y trouvent le moyen de légitimer leurs discours anti-diesel. Analyse détaillée de Fabrice Spath, co-fondateur de la place de marché BreezCar.
Le diesel faible émetteur de CO2 et de polluants en question
La nouvelle génération de voitures diesel est-elle vraiment « propre » ? Parées de vertueux labels, les motorisations diesel ont comme principal avantage de satisfaire aux exigences des normes antipollution édictées par les régulateurs. Via de coûteux et complexes dispositifs de traitement des gaz d’échappement, les constructeurs nous assurent depuis plusieurs années que leurs modèles carburant au gasoil émettent de moins en moins de CO2 et de polluants (oxydes d’azote NOx, particules fines, …). Pourtant, le scandale qui a éclaté vendredi dernier aux Etats-Unis et qui éclabousse le groupe Volkswagen pourrait fortement nuire à ce discours bien rôdé. L’Agence américaine de l’Environnement (EPA) y a ainsi mesuré des émissions jusqu’à 40 fois supérieures à celles autorisées par la législation.
Une affaire qui intervient au lancement du salon de Francfort
La firme de Wolfsburg avait pourtant bien démarré sa semaine. A l’occasion de la 66e édition du salon de Francfort, l’allemand a présenté deux concepts électriques : le crossover Audi e-tron Quattro – préfiguration du futur Audi Q6 e-tron – et la berline Porsche Mission E dont les commercialisations devraient intervenir à l’horizon 2018. Véritables stars de ce salon, les deux études ont pour objectifs de concurrencer le californien Tesla Motors sur le segment des véhicules électriques premium et de répondre aux exigences des normes antipollution de plus en plus restrictives. Moins d’une semaine plus tard, Martin Winterkorn, le Président du Directoire du groupe, faisait son mea culpa et présentait ses excuses aux clients déçus et floués lors d’une conférence de presse exceptionnelle.
Les blocs 4 cylindres TDI retirés du marché américain
Comment le premier constructeur automobile mondial, à la réputation jusque-là immaculée, a-t-il pu décevoir ses clients américains au point de supprimer de ses catalogues outre-Atlantique toutes les déclinaisons diesels équipées du 4 cylindres TDI ? En installant un logiciel espion – un algorithme sophistiqué en réalité – capable de réduire automatiquement les émissions de polluants lors des mesures sur bancs d’essai, le groupe Volkswagen a contourné depuis 2009 la législation américaine sur la pollution de l’air (Clean Air Act). Sur une zone où les véhicules diesel représentaient 28 % des ventes de l’industriel en août dernier, plus de 482 000 véhicules sont concernés par cette fraude massive. Une tricherie qui devrait coûter selon l’Agence américaine de l’Environnement (EPA) près de 18 milliards de dollars à Volkswagen.
Une amende record de près de 18 milliards de dollars
Si la première conséquence de cette affaire consiste en une amende de quelque 37 500 dollars par véhicule, la seconde porte directement sur l’image durablement écornée du constructeur aux Etats-Unis. Une affaire qui intervient au moment même où le mandat de Martin Winterkorn est remis en cause pour des ventes jugées insuffisantes aux Etats-Unis. Autres conséquences : le rappel de tous les véhicules incriminés entraînant un coût de plusieurs milliards, le retrait des catalogues Audi et Volkswagen des versions 4 cylindres diesel et les probables dépôts de plainte de la part de clients s’estimant lésés (via des actions collectives). Et en Europe ? Le politique vient de se saisir du sujet en Allemagne, estimant que ce scandale pourrait ternir l’excellence de sa filière automobile.
Des études indépendantes en Allemagne et à Bruxelles
Outre-Rhin, le Ministère des Transports souhaite ainsi mener une expertise indépendante afin de déterminer si les normes antipollution européennes en vigueur ont bien été respectées par l’ensemble des voitures diesels commercialisées par ses constructeurs nationaux. Considérée comme l’une des solutions les plus pertinentes dans la réduction globale des émissions polluantes de leurs gammes – grâce au pouvoir calorifique supérieur du gasoil sur son homologue essence sans-plomb –, le moteur diesel vient encore de perdre de son attrait sur le Vieux Continent. Largement relayée par les medias européens, le « scandale Volkswagen » met également en lumière le cycle d’homologation européen New European Driving Cycle (NEDC) jugé peu représentatif des émissions et consommations réelles.
Normes : du cycle NEDC au cycle WLTP en 2017
Ce décalage croissant entre émissions officielles et réelles devrait être réduit dès 2017 avec la mise en œuvre de la nouvelle norme Worldwide harmonized Light vehicles Test Procedures (WLTP). Plus long que le premier, le cycle d’homologation testera le véhicule sur 23,3 km pendant 30 minutes, à une vitesse moyenne de 46,5 km/h (vs 11 km, 20 mn et 33,6 km/h actuellement). Si son avènement a pour objectif de traduire des consommations et émissions plus proches de nos habitudes de conduite, la nouvelle norme se heurtera à la suspicion des consommateurs. Des réserves alimentées par l’affaire Volkswagen et qui vient de mettre en lumière les arrangements de l’industrie automobile avec les normes antipollution concoctées par les régulateurs.
Un discours anti-diesel renforcé en France
En France, le scandale alimente déjà l’argumentation des anti-diesel qui fustigent une fiscalité avantageuse (moindre taxation à la pompe et exonération de la TVA pour les entreprises) et mettent en avant les quelque 42 000 décès prématurés annuels provoqués par les émissions de particules fines rejetées pour partie dans l’atmosphère par les véhicules diesel. Si la répartition des ventes de véhicules essence/diesel tend à s’équilibrer – seules 57 % des voitures particulières neuves immatriculées en août dernier étaient animées par un bloc diesel –, les discours politiques en faveur des véhicules électriques et hybrides rechargeables se feront très probablement plus insistants. En attendant de connaître les nombreuses répercussions de cette affaire sur le Vieux Continent, sa mise sur le devant de la scène aura déjà sanctionné le fautif : sur la seule journée de cotation d’hier, la capitalisation boursière du titre Volkswagen AG a fondu de près de 15 milliards d’euros. Soit l’équivalent de celle du groupe français PSA Peugeot Citroën …