Tesla : pourquoi le constructeur mérite-t-il de réussir ?

Publié le 04 avril 2018 à 11h00 | Fabrice SPATH | 4 minutes

Jugé avec circonspection à ses débuts, Tesla est devenu en quelques années un exemple à suivre pour la concurrence

CHRONIQUE – Leader sur le segment de la voiture électrique premium, Tesla est sévèrement critiqué pour le non-respect de ses objectifs de production et son lourd endettement. Malgré la chute d’un tiers de sa valorisation boursière et les erreurs de communication de son patron, le constructeur est toujours soutenu par une large partie de ses clients et investisseurs.



Un phénomène : né en 2003 dans la Silicon Valley, le petit assembleur de Roadster à motorisation électrique et à autonomie étendue est devenu un véritable constructeur automobile. Jugé avec circonspection au lancement de sa berline Model S en 2012, porté aux nues par la presse lors du vent de panique qui a soufflé sur les assemblées générales des constructeurs allemands à l’automne 2016 puis lors de la première présentation de la Model 3 quelques mois auparavant. Après avoir séduit plus de 400 000 clients dans le monde en moins de deux semaines – du jamais-vu sur une pré-réservation –, la berline qui devait participer à la pérennité de l’entreprise a finalement été la source de nombreuses difficultés pour la firme californienne.

 

Industrialisation à grande échelle

Tancé par les marchés – le titre a perdu 30 % de sa valeur à Wall Street en un an – et sévèrement critiqué par de nombreux analystes et journalistes, Tesla a quasiment manqué tous ses objectifs de production annoncés l’an passé. La chaîne d’assemblage du site de Fremont a enfin réussi à sortir 2 020 Model 3 sur la dernière semaine de mars et, en prenant directement le contrôle de la division en charge de la production, le PDG Elon Musk promet que le rythme de 5 000 unités hebdomadaires sera tenu dès la fin du second trimestre. Soit tout de même un retard cumulé de six mois sur le calendrier initial et dont les concurrents suiveurs dans la course à l’électrique se réjouissent.

 

Autonomie, Superchargers, Autopilot

Malgré ses déboires, Tesla a accéléré la révolution dans le monde automobile soumis à des contraintes environnementales de plus en plus strictes. D’abord en étant le premier à industrialiser une grande berline premium dotée d’immenses batteries offrant une autonomie étendue (plus de 400 km). Ensuite en offrant aux premiers clients l’accès à ses milliers de bornes de recharge à haute puissance Superchargeurs. Mais aussi en mettant à jour « over the air » le logiciel de ses véhicules sans passer la case concession et en étant le premier à proposer un système de conduite semi-autonome plébiscité par la très grande majorité de ses utilisateurs. Et contrairement au reste de l’industrie, Tesla s’est investi dans la production de cellules pour batteries grâce à sa Gigafactory cofinancée par son partenaire Panasonic.

 

Un accélérateur d’innovations

En quelques années, la société et ses produits sont devenus un exemple à suivre. La berline Model S est même devenue l’un des modèles premiums les plus appréciés aux États-Unis et en Europe, y compris en France. Une menace qui a dynamisé les plans produits de tous les constructeurs haut de gamme qui, sur 2018-2019, lanceront chacun au moins un modèle « zéro émission » : Audi e-tron Quattro, BMW iX3, Jaguar I-Pace, Mercedes EQC, Porsche Mission E, … Autant d’industriels qui ont singé la démarche Tesla en déployant progressivement des chargeurs hautes puissances sur leurs principaux marchés. Mais contrairement à l’Américain pour qui cette activité est considérée comme un poste de dépenses, les Européens veulent en tirer profit et facturer leurs clients.

 

Un écosystème dynamisé

Lourdement endetté – 10 milliards de dollars de dettes dont 1,2 milliard à échéance inférieure à 12 mois –, Tesla exclut toute nouvelle levée de fonds et parie sur sa capacité à maintenir ses objectifs de production de la Model 3. Si la promesse faite hier par Elon Musk a rassuré les marchés, les inquiétudes sur la solidité financière de l’entreprise demeurent et les oiseaux de mauvais augure ne sont jamais bien loin. Les analystes de Bloomberg annoncent ainsi un dépôt de bilan en août prochain faute de liquidités tandis que les journalistes de RTL tablent sur une fin tragique d’ici un an. En attendant, clients et investisseurs sont, malgré les mauvaises nouvelles, toujours au rendez-vous. Un signal fort pour l’ensemble de l’écosystème qui a longtemps bénéficié des innovations et de la couverture média de celui dont l’étoile a fini par pâlir.

Fabrice SPATH

Cofondateur du site, Fabrice roule en électrique la semaine et en hybride rechargeable le week-end. Après être passé par la case ingénierie chez des constructeurs et équipementiers outre-Rhin, il collabore régulièrement avec la rédaction et travaille au développement de la place de marché.



Laisser un commentaire