Véhicules électriques : le maintien des aides à l’achat en sursis
Publié le 26 juin 2017 à 15h00 | La rédaction | 4 minutes
La fin des aides à l’achat de voitures électriques pourrait entraîner une réorientation de la demande des consommateurs sur l’hybride ou l’hybride rechargeable
Partout où les aides à l’achat sont brutalement coupées, le marché du véhicule électrique s’effondre. Outre-Atlantique, une récente étude pointe le faible impact de ces dispositifs sur la réduction effective des émissions de CO2 et en appelle à leur suppression. Et en France, la Cour des comptes s’interroge sur la pertinence du maintien du bonus « écologique ».
Sans aides, les immatriculations s’effondrent
Le marché des véhicules électriques est-il en train de perdre son statut de marché émergent ? Alors que l’offre des constructeurs s’agrandit d’année en année, la demande pour les voitures « zéro émission » semble toujours aussi étroitement liée aux différentes subventions qui leur permettent de garder une certaine attractivité aux yeux des consommateurs. Au Danemark, la fin des aides publiques a ainsi fait lourdement chuter leurs ventes, limitées à seulement 1 300 nouvelles unités en 2016. A Hong-Kong, la suppression des exonérations fiscales, qui a pris effet au début du mois d’avril 2017, a également entrainé une brutale baisse des ventes. Un phénomène constaté dans d’autres pays, y compris en Chine continentale, leader mondial du marché des voitures électriques depuis 2015, où certains constructeurs ont été mis en difficulté en raison de la décision des pouvoirs publics de mettre fin à certaines de leurs subventions.
Des dispositifs d’aides aux effets réduits
Malgré tout cela, la remise en place des mesures d’aides publiques n’est pas systématiquement réclamée pour assurer la relance de la filière électrique. Au contraire, de plus en plus de voix se manifestent pour s’élever contre les différentes formes de soutien à l’achat de voitures à émissions réduites. Dernier exemple en date, une étude canadienne menée par les chercheurs de l'Institut économique de Montréal (IEDM) qui avance que dans la plupart des cas, « les subventions à l'achat de véhicules électriques ont peu d'effet sur les émissions de gaz à effet de serre et coûtent beaucoup plus cher que d'autres mesures incitatives pour obtenir les mêmes résultats ».
Les auteurs de cette nouvelle étude sur les impacts environnementaux et économiques des politiques d’incitations en faveur des véhicules électriques recommandent ainsi aux pouvoirs publics de leur pays d’y mettre fin au plus tôt. Selon les chercheurs de l’IEDM, « même si le gouvernement [canadien] réalisait son objectif d'avoir un million de véhicules sur les routes d'ici 2030, ceux-ci ne permettront d'éviter, dans le meilleur des cas que 3,6 % des émissions au niveau actuel ». Les chercheurs préconisent donc de passer plutôt par « une taxe sur les émissions » ou un « marché du carbone », solutions qui seraient à leurs yeux plus efficaces et « moins coûteuses que le versement de généreuses subventions » (lire par ailleurs Voiture électrique : face à la chute des ventes, le Danemark relance les aides).
En France, la Cour des comptes s’interroge
Quelques défenseurs de l’environnement – encore rares, cependant – commencent à montrer eux aussi ouvertement leur scepticisme sur la pertinence des aides accordées par les pouvoirs publics aux acheteurs de voitures à faibles émissions. Selon Winnie Tse Wing-Lam, responsable au sein du réseau Clean Air à Hong-Kong, les aides sont plutôt du côté des problèmes à résoudre, et non des solutions. « Le nombre de véhicules privés sur la route est actuellement de plus de 750 000, et c'est la question clé : l'embouteillage à Hong Kong est sérieux, mais alors que les véhicules électriques ont des émissions plus faibles, ils contribuent aussi à la congestion », note-t-il.
Quant à la France, la Cour des comptes a récemment exprimé son avis sur le sujet : « La question du maintien à moyen terme d'une aide à l'acquisition d'un véhicule électrique selon les modalités actuelles doit être posée, vu la progression constante des achats de véhicules électriques », a-t-elle déclaré. Il semble pourtant clair au vu de la tendance actuelle que sans une politique de soutien au niveau mondial, le marché des véhicules électriques risque de connaître sa première véritable crise de croissance. Qui risque d’entraîner un changement profond des stratégies engagées par les constructeurs et une réorientation de la demande des consommateurs. Au profit de l’hybride ou de l’hydrogène ? Rien n’est moins sûr (pour aller plus loin, lire Voiture électrique : la fin des aides tuera-t-elle le marché ?)