Voiture électrique : la fin des aides tuera-t-elle le marché ?
Publié le 12 avril 2017 à 18h00 | Fabrice SPATH | 4 minutes
Au Danemark, la réduction progressive des exonérations fiscales a fait chuter les immatriculations de 1 588 à 68 véhicules électriques en seulementun mois
Les aides à l’achat pour véhicules électriques sont considérées comme indispensables au développement d’un marché encore embryonnaire. Coup de pouce financier ou exonération de taxes, les incitants gouvernementaux contribuent à l’essor d’une filière et de nouvelles technologies. Et quand bien même les modèles à autonomie étendue et à large diffusion seront moins sensibles à ces cadeaux fiscaux, l’arrêt brutal d’un tel dispositif peut avoir des conséquences désastreuses sur les ventes de véhicules « zéro émission ».
Jusqu’à 10 000 d’aides en France
En France, les aides à l’achat pour véhicules électriques et hybrides rechargeables sont nées en 2008 avec la création du dispositif bonus-malus « écologique ». Un système où les véhicules les plus émetteurs en CO2 sont impactés par un malus qui finance le renouvellement du parc automobile via un bonus réservé aux véhicules les moins émetteurs. D’un montant de 6 000 euros au 1er janvier 2017, l’aide à l’achat pour une voiture ou un utilitaire électrique peut être complétée par une prime à la conversion de 4 000 euros – également appelée « super bonus » –, à condition que l’acquéreur mette à la casse un vieux véhicule diesel. Mise en œuvre il y a un an chez nos voisins allemands, le coup de pouce financier y atteint 4 000 euros pour un modèle 100 % électrique et 3 000 euros pour un hybride rechargeable (contre 1 000 euros en France).
Des clients particuliers majoritaires
Des incitants gouvernementaux qui contribuent à la croissance des ventes de modèles à batteries rechargeables et, in fine, à la réduction progressive des émissions polluantes des parcs automobiles. En France où le nombre de véhicules électriques en circulation a dépassé les 100 000 unités le mois dernier, les immatriculations progressent à un rythme soutenu avec une part de marché équivalente à 1,3 % des ventes de véhicules neufs en mars. Une performance liée pour grande partie à la nouvelle version Z.E. 40 de Renault ZOE qui accapare 70 % des mises à la route sur le premier trimestre 2017. Premier véritable modèle électrique à large diffusion (à partir de 16 700 euros, bonus déduit) et à autonomie étendue (300 km en conditions réelles), la citadine se vend dans l’Hexagone à plus de 60 % à des particuliers pour qui les aides financières constituent souvent une motivation dans l’acte d’achat.
La fin de l'aide (5 000 dollars) versée par l'Etat américain de Géorgie a entraîné mi-2015 une chute brutale des ventes de véhicules électriques
Le spectre de la fin des aides aux USA
Aux Etats-Unis où le marché de l’électrique vient à peine de franchir la barre des 1 %, une récente étude du guide d’achat automobile Edmunds s’interroge sur les conséquences de la suppression des « tax credits » fédéraux. Intitulée de manière peu optimiste « La suppression des aides à l’achat va détruire le marché américain du véhicule électrique », l’étude revient sur le dispositif d’aides mis en place en 2010 sous la présidence Obama. D’un montant de 7 500 dollars par véhicule, la subvention fédérale peut être abondée par des aides d’Etat oscillant entre 500 et 2 500 dollars en moyenne. Chaque constructeur disposant d’un crédit de 200 000 unités destiné à financer autant de véhicules électriques, le système se heurtera très prochainement à l’épuisement de ces crédits avec l’arrivée de modèles financièrement attractifs et à l’autonomie étendue, à l’image des Chevrolet Bolt – cousine européenne de l’Opel Ampera-e – et de la future Tesla Model 3.
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Rendre compétitive la voiture électrique
Le californien Tesla a ainsi annoncé avoir commercialisé plus de 120 000 véhicules électriques dans le pays au 1er avril dernier. Les livraisons des premières Model 3 qui interviendront à l’automne devraient ainsi rapidement épuiser les droits du constructeur. Le constat est identique chez General Motors et Nissan dont la barre des 100 000 unités a été très largement entamée. Et sous la pression de l’industrie automobile, l’administration Trump est hostile à relancer un quelconque programme d’aide fédérale (lire notre article par ailleurs). Reste aux constructeurs la possibilité de créer leurs propres dispositifs d’aides en rognant sur leurs marges et à commercialiser des modèles « zéro émission » réellement compétitifs. Des incitants utiles à court et moyen terme mais pas indispensables sur le long terme comme le souligne le rapport Edmunds. Une conclusion dont le Danemark aurait dû s’inspirer pour éviter la descente aux enfers de son marché électrique. Entre décembre 2015 (fin de l'exonération totale de la taxe à l'achat) et janvier 2016, les immatriculations ont ainsi chuté de 1 588 à 68 unités.