Voitures électriques et copropriétés : vers une nouvelle cohabitation
Publié le 01 mai 2013 à 11h39 | Fabrice SPATH | 11 minutes
Droit à la prise, accès à la borne, facturation des recharges : autant de points évoqués par John Honoré, co-fondateur de BRS
Les ventes de véhicules électriques sont en constante augmentation alors que le marché automobile est en phase descendante. Au mois de mars 2013, le nombre de véhicules vendus a ainsi dépassé les 1 000 unités, le double des ventes du mois de février 2013. Effet de mode ou réelle accélération, nous ne le savons pas. Il est certain que le déploiement d’infrastructures de recharge dans nos villes constitue un atout pour le développement de ce type de motorisation. Cependant, il reste encore quelques verrous pour ouvrir définitivement ce marché et notamment celui de la cohabitation entre les véhicules électriques et les copropriétés.
Cet article, proposé par John Honoré (co-fondateur de « Borne Recharge Service »), vous livre quelques explications nécessaires pour que cette nouvelle cohabitation se déroule le mieux possible.
Les véhicules électriques : la réalité des ventes
Les ventes de véhicules électriques semblent « enfin » démarrer sans jeux de mots aucuns. Nous prenons à témoin les ventes du mois de mars 2013, qui représentent les ventes cumulées de novembre 2012 à février 2013. L’arrivée de ZOE chez Renault pourrait être l’élément déclencheur tant attendu sur ce marché.
Les véhicules électriques ont ceci de commun qu’une simple prise électrique suffit pour les recharger. Enfin presque tous car la nouvelle venue de chez Renault ne peut pas se connecter sur une simple prise (un câble spécial est attendu pour début 2014). Elle nécessite un boitier de recharge communément appelé « Wall-Box ». Cette prise non standard va entraîner quelques bouleversements au niveau des bornes de voirie mais renforce les nécessaires besoins de sécurité au sein des copropriétés.
A ce jour, 44% de l’habitat français est composé d’immeubles collectifs fonctionnant sous le régime de la copropriété. L’habitat collectif n’est pas uniforme : certains immeubles (haussmanniens notamment) n’ont pas de places de parkings, certains sont seulement équipés de porte électrique de garage souterrain, et la vaste majorité ne dispose que d’une alimentation simple des communs. Alors comment pourront se recharger les résidents de ces copropriétés ? Quelles sont les contraintes liées à une copropriété pour disposer d’un service de recharge ?
Tous les constructeurs automobiles vous diront : « il suffit de brancher votre véhicule électrique la nuit et vous pouvez rouler entre 100 et 200 km le jour ». Cela paraît alléchant de prime abord, surtout quand on pense que le plein de « carburant » d’un véhicule électrique coûterait environ 2 euros. Mais comment procéder dans nos copropriétés ?
Quels équipements choisir pour disposer de la possibilité de recharger son véhicule électrique ?
Recharger son véhicule électrique, que cela soit une voiture, un scooter ou une voiture hybride-rechargeable dans les parkings communs ne peut se faire sur une simple prise électrique (celles utilisées pour l’entretien des parties communes par exemple). L’électricité consommée par les parties communes est répartie au tantième des copropriétaires (fonction de votre surface d’habitation). Consommer l’électricité des parties communes reviendrait alors à partager votre « plein d’électricité » avec l’ensemble de la copropriété. Une telle hypothèse ne serait pas acceptable, notamment pour celles et ceux qui n’auraient pas de véhicule électrique. Il faut donc disposer d’un point de charge spécifique. Ce point de charge doit être relié au TGBT (ou local d’alimentation électrique des communs) via une ligne électrique capable de supporter l’importante tension nécessaire à la recharge (environ 4 kW) et doit nécessairement être en mesure de comptabiliser l’électricité consommée afin que cette électricité soit affectée directement au copropriétaire utilisateur du véhicule électrique.
Certaines copropriétés sont déjà équipées de lignes électriques (commandes de portes de box, éclairage des box, mise à disposition d’une ligne pour un congélateur…). Ces lignes électriques ne peuvent en aucun cas être utilisées pour recharger un véhicule n’ayant pas la capacité de supporter une charge de 5 heures à 8 heures aussi intensive. Le risque majeur d’une telle utilisation reste un incendie en cas de surchauffe de l’installation.
Il s’avère donc indispensable de procéder à l’installation d’équipements conçus spécifiquement pour la recharge des véhicules électriques (borne de recharge et ligne électrique dédiée) sur votre emplacement de stationnement.
Pour procéder à l’installation de votre borne de recharge et de sa ligne électrique, vous devez entrer en contact avec votre Syndic et lui envoyer une demande d’inscription d’un article autorisant la mise en place des matériels. Il ne faut pas hésiter non plus à contacter les membres du conseil syndical afin de les avertir de votre projet. Enfin, il vous faut contacter un professionnel (électriciens ou spécialiste de la recharge) pour vous faire conseiller sur l’équipement et l’installation.
Les copropriétés et le droit à la prise
Quel que soit votre cas, le droit à la prise est une loi reconnue en France. N’hésitez pas à faire voter un article à votre assemblée générale des copropriétaires même si vous n’avez pas de projet à ce jour. Il vous faudrait attendre l’AG suivante pour pouvoir faire voter l’article, un élément qui peut retarder de quelques mois la possibilité pour vous de recharger chez vous votre voiture électrique.
Une loi a été votée en 2011 pour permettre aux copropriétaires de procéder à l’installation des équipements nécessaires à la recharge de leur véhicule électrique (loi dite « du droit à la prise » en date du 12 Juillet 2011) :
« Art. L. 111-6-4. − Le propriétaire d’un immeuble doté de places de stationnement d’accès sécurisé à usage privatif ou, en cas de copropriété, le syndicat représenté par le syndic ne peut s’opposer sans motif sérieux et légitime à l’équipement des places de stationnement d’installations dédiées à la recharge électrique pour véhicule électrique ou hybride rechargeable et permettant un comptage individuel, à la demande d’un locataire ou occupant de bonne foi et aux frais de ce dernier. Constitue notamment un motif sérieux et légitime au sens du premier alinéa la préexistence de telles installations ou la décision prise par le propriétaire de réaliser de telles installations en vue d’assurer dans un délai raisonnable l’équipement nécessaire.
Cette loi prévoit aussi les conditions de l’installation des équipements électriques dans la copropriété :
« Art. L. 111-6-5. − Les conditions d’installation, de gestion et d’entretien des équipements de recharge électrique pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables à l’intérieur d’un immeuble collectif et desservant un ou plusieurs utilisateurs finals font l’objet d’une convention entre le prestataire et le propriétaire ou, en cas de copropriété, le syndicat représenté par le syndic »
Texte réglementaire et contraintes techniques ?
Concernant les obligations réglementaires, la loi existe bien, mais l’assemblée générale des copropriétaires est souveraine et seule peut donner accord pour la pose d’une borne de recharge dans les immeubles. Encore faut-il assurer aux copropriétaires qu’aucune facture impayée ne sera à leur charge. Nous sommes tous conscients que la recharge d’un véhicule électrique ne pourra être partagée entre les copropriétaires même si le coût annuel ne devrait pas dépasser les 250€. Le copropriétaire qui souhaite s’équiper suite à l’achat de son véhicule électrique doit donc proposer à l’assemblée générale un système garantissant une juste répartition de sa consommation électrique.
Au niveau de l’installation des équipements, les contraintes techniques ne doivent pas être ignorées. Certains immeubles dont les circuits électriques sont trop vétustes nécessiteront probablement des travaux de rénovation électrique. Cependant, une vaste majorité des immeubles restant supporteront sans difficulté la recharge de deux/trois véhicules, voire plus. Cela dépend de la puissance du compteur électrique alimentant les parties communes.
L’installation est la partie la plus fastidieuse : l’installateur doit relier le TGBT (ou local électrique d’alimentation des communs de l’immeuble) à la place de stationnement du copropriétaire demandeur. Le coût de cette installation dépendra de la distance à parcourir et de la « bonté de votre électricien ». Pour une distance de l’ordre de 24 mètres il faut tabler sur un prix de l’ordre de 2000€ TTC (en fonction du matériel retenu et des contraintes d’installation), mais à 100 mètres la facture peut dépasser les 6000€ TTC. Ce n’est pas tant l’heure de main-d’œuvre qui renchérit le coût mais le matériel nécessaire à une bonne installation. En effet, si à 12 mètres un simple fil de rallonge suffit, à 100 mètres la section (épaisseur du câble) nécessaire est à minima du 10² afin de tenir la charge.
Notons que certains proposent une installation électrique reliée au compteur individuel d’appartement. Ce principe évite en effet de consommer l’électricité des parties communes. Une telle installation n’est pas interdite mais pose d’importantes difficultés notamment en cas d’intervention des secours dans les parties communes. Une telle installation rompt l’étanchéité électrique entre les parties communes et la partie habitation. En cas d’intervention des secours et donc de coupure des parties communes, les secours interviendraient en coupant l’ensemble de l’immeuble, ce qui dans le cas d’hospitalisation à domicile peut s’avérer être un problème. Mais encore plus important la loi « Brotte » est engagée. Cette loi devrait modifier les règles de consommation énergétique dans les foyers français. Un forfait serait mis à disposition de chaque foyer (sur la base du nombre de personnes vivant au sein du foyer, de l’isolation, du type de chauffage…). En cas de dépassement de ce forfait consommation, un malus serait à la charge du consommateur. Or, le véhicule électrique n’est pas compris au sein du forfait. Les parties communes ne sont pas concernées par cette évolution législative de la consommation énergétique. Brancher son véhicule électrique sur son compteur d’appartement risque de renchérir sérieusement le coût de la recharge.
Il faut vous assurer que l’installateur dispose bien des qualifications d’électricien, et qu’il vous remettra bien une convention d’intervention pour effectuer la pose. Concernant la convention d’installation, un comité d’experts est chargé de la rédiger mais celle-ci ne semble toujours pas disponible.
Quel est le coût d’une installation ?
Nous avons déjà évoqué le coût d’une installation (cf. paragraphe précédent). Mais il vous faut également choisir une borne de recharge pour votre véhicule.
Les fabricants de ce type de matériel communiquent régulièrement sur une fourchette de prix entre 500€ à 800€, mais ces bornes de recharge « simples » ne permettent ni le comptage individuel ni une sécurisation de l’accès. Ce dernier point est important car si vos copropriétaires ne souhaitent pas régler votre « plein d’électricité », vous ne souhaitez pas non plus que quiconque puisse se brancher sur votre borne.
Une borne de bonne facture incluant l’ensemble des éléments permettant d’évoluer dans un environnement sécurisé peut se trouver sur un site Internet comme « Breezcar.com » (nb : consulter toutes les bornes car les prix ne sont pas toujours indiqués).
Est-il possible de mettre une borne en libre-service dans les parkings pour simplifier la recharge ? Nous n'apportons pas de réponse à cette question, mais nous envisageons toujours cette situation : une borne, deux véhicules. Premier arrivé, premier servi ? Dans un cadre collectif avec un matériel en libre-service, il faudrait autant d'équipements que de copropriétaires. Autant dire que ceux qui ne voudront pas franchir le cap de l'électrique seront fortement contre toute dépense dans ce sens. Nous estimons donc que le seul système valable repose sur un système individualisé et sécurisé.
Enfin, vous avez votre autorisation, un électricien abordable et un matériel acceptable. Il ne reste plus qu’à aborder la question de la relation avec votre syndic et celle de la gestion du remboursement de la consommation électrique car la borne est reliée au TBGT rappelons-le. Vous pouvez descendre effectuer la relève du compteur de votre borne tous les trimestres et rembourser la consommation électrique. Sur les premiers trimestres, nous pensons que rien ne devrait perturber un tel schéma mais de nouveaux arrivants ou une surconsommation électrique vous serait automatiquement imputée. Comment prouver que ce n’est pas vous ?
Nous qu’aucun syndic n’acceptera de venir faire la relève de votre compteur. En effet, il pourrait éventuellement accepter de relever un compteur, mais quand il devra effectuer la relève de 50 bornes dans autant d’immeubles, pensez-vous vraiment qu’il consacrera plusieurs jours à faire de la relève de compteurs ? Evidemment non. Cela n’est pas une mauvaise volonté de sa part, mais ce n’est pas son métier. Il gère votre copropriété et n’est pas délégué à la relève. Dans le meilleur des cas, il vous facturera ce service.
Vous devrez donc trouver un prestataire qui effectuera la relève des compteurs pour votre compte et qui fera le lien entre vous et votre Syndic.
Le véhicule électrique semblerait être notre futur, il permet sur l’usage d’un véhicule (de l’ordre de 1500€ par an) mais nécessite un investissement préliminaire, à savoir équiper correctement son emplacement de stationnement.
Il convient de bien réfléchir au type de matériel que vous allez installer car vous serez liés pour plusieurs années à celui-ci. Il doit donc être fiable et évolutif. Des solutions existent et d’autres émergent. Nous pensons qu’il convient de préférer une solution intégrée - un service de recharge allant du matériel à la gestion - plutôt qu’un assemblement de fournisseurs de matériel, d’installateurs, et de gestionnaires.