Essai Hyundai ix35 hydrogène : l’électrique avec 500 km d’autonomie
Publié le 28 mars 2014 à 10h25 | Fabrice SPATH | 8 minutes
Le SUV Hyundai ix35 à hydrogène est un véhicule électrique doté d’une autonomie moyenne de 500 km
Il y a quelques semaines, nous avons eu le privilège de tester le Hyundai ix35 FCEV, un SUV équipé d’une pile à combustible. Enième prototype ou concept car ? Point du tout. Il s’agit d’un véhicule électrique de présérie produit sur une ligne semi-automatisée. Essai complet à son volant entre Lyon et Grenoble.
Hyundai : leader sur le marché des véhicules à pile à combustible
Le consommateur français qui assimilerait la marque Hyundai à des véhicules exotiques disposant de finitions légères et dont les prix de vente sont proches d’une Dacia se trompe lourdement. Depuis deux ans, le 5e constructeur mondial a repris en main le réseau de concessions en France en créant une véritable filiale. Certes, les parts de marché sont à ce jour « anecdotiques » – 1,5% en 2013 –, mais les ambitions sont fortes. Et pas seulement sur la gamme thermique composée de la citadine i10, du monospace compact ix20, de la berline compacte i30 – également disponible en break –, du coupé sport Veloster, des SUV ix35 et Santa Fe ou encore de la berline familiale i40.
Dans le domaine des véhicules « propres », Hyundai déborde d’énergie : en quelques mois, le « chaebol » a annoncé la commercialisation de la KIA Soul EV électrique – Hyundai Motor détient 34 % de la marque coréenne – et a réaffirmé sa volonté de devenir l’un des leaders de la voiture électrique dotée d’une pile à combustible (PAC) alimentée par de l’hydrogène. Sur ce terrain, on attend Toyota et Honda en 2015, Mercedes, Nissan et Ford en 2017. Et pourtant, avant tout le monde, Hyundai a produit 100 unités de son ix35 FCEV – Fuel Cell Electric Vehicle – et envisage d’en commercialiser 1 000 exemplaires d’ici 2015. Mieux : le ix35 FCEV sera disponible à la location dans les toutes prochaines semaines à Los Angeles (Californie, Etats-Unis), au prix de 499 dollars/mois, carburant inclus.
Sensations au volant identiques à un véhicule électrique
A ce jour, seuls deux véhicules électriques équipés de PAC ont été immatriculés en France … et ce sont des Hyundai. Loués par le partenaire Air Liquide, les ix35 FCEV sont utilisés par le directeur du site de Sassenage, près de Grenoble (38) – le site produit notamment le carburant pour les fusées Ariane – et au siège parisien pour convoyer les clients VIP. Accueillis sur le site d’entraînement de l’Olympique Lyonnais, dont la marque est partenaire depuis près de deux ans, nous avons pu prendre le volant de l’un des 6 ix35 FC. La chaîne de traction de ce véhicule est composée :
- d’un moteur électrique développant 136 ch (couple maximal de 300 Nm)
- d’une pile à combustible (PAC) d’une puissance de 136 ch (soit 100 kW)
- d’une batterie lithium-polymère d’une capacité de 24 kWh (contre 22 kWh sur une Renault ZOE)
- de deux réservoirs à hydrogène d’une capacité de 144 litres (soit 5,64 kg de H2)
Le principe de fonctionnement est relativement simple : l’hydrogène contenu sous sa forme gazeuse dans les deux réservoirs alimente la PAC qui, en étant mélangé avec l’air extérieur, produit de l’électricité qui alimente le moteur électrique et la batterie. Vous conduisez un véhicule électrique ou en avez déjà essayé un ? Vous ne serez pas dépaysé : les sensations restent les mêmes, à une seule exception près : l’autonomie qui, sur cet ix35 FCEV, atteint plus de 500 km en conditions réelles (594 km en cycle d’homologation NEDC). Tout bonnement bluffant : la PAC joue ici le rôle d’un prolongateur d’autonomie. Mais, contrairement à une BMW i3 ou une Opel Ampera, ce prolongateur ne prend pas la forme d’un moteur thermique – bicylindre sur la i3, 4 cylindres sur l’Opel.
Une voiture électrique où l’on ne se soucie pas de l’autonomie
Pour cet essai, nous avons pu prendre le volant d’un Hyundai ix35 FCEV de troisième génération immatriculé au Danemark. Le constructeur, investi depuis 1998 dans la technologie pile à combustible, en est aujourd’hui à sa quatrième génération de véhicule à hydrogène, dont 40 circulent en Europe, essentiellement dans les pays scandinaves. Esthétiquement, le ix35 FCEV ne se distingue de son homologue thermique que par une trappe à carburant au design spécifique. Pour le reste, c’est un SUV aux lignes fluides et modernes qui n’a que peu à envier à ses concurrents européens.
A bord, le niveau de finition est satisfaisant – on regrettera simplement l’absence de plastiques « moussés » –, les matériaux bien assemblés, les équipements nombreux. Une chose est sûre : il s’agit d’un véhicule de série, prêt à être commercialisé. Démarrage … en silence, comme sur une électrique pure. Les accélérations sont linéaires mais, compte-tenu de son poids de 1 830 kg – soit 400 kg de plus que la version d’entrée de gamme essence –, les relances sont laborieuses et on sent le « petit » moteur électrique de 136 ch à la peine. Très agréable en ville, le Hyundai ix35 FCEV fait montre d’un comportement sain sur autoroute. Le 0 à 100 km/h est abattu en 12,5 s et la vitesse maximale culmine à 160 km/h.
Un plein en 3 minutes chrono pour 45 euros
Pour qui roule en voiture électrique et flirte souvent avec les limites d’autonomie de celle-ci, le ix35 FCEV ne peut que séduire. Jugez plutôt : sur le parcours de 130 km reliant le centre-ville de Lyon au site Air Liquide de Sassenage (38), il n’a point été question d’éco-conduite. Les kilomètres sur autoroute ont été avalés à vive allure – plus de 130 km/h –, les lacets des routes montagneuses enchaînés de manière très sportive, les accélérations aux feux tricolores faites pied au plancher. Et pourtant, arrivés sur le site Air Liquide à proximité de Grenoble, nous pouvions encore parcourir plus de 250 km.
Dans le cadre d’une utilisation normale, ce véhicule à hydrogène atteint une autonomie de 450 à 500 km. D’ailleurs, le GPS indiquait la station de « refuelling » la plus proche, située à Fribourg-en-Brisgau (Allemagne), à près de 400 km de Lyon. Une distance que nous aurions pu parcourir sans nous ravitailler. A défaut de faire le plein d’hydrogène sur une station publique, Air Liquide nous a fait la démonstration d’un « refuelling » en 3 minutes chrono. La station, dont le prix de vente varie de 1 à 1,5 million d’euros, délivre du H2 sous sa forme gazeuse. Injecté dans les deux réservoirs à une pression de 700 bars, le H2 se rapproche des conditions de remplissage d’un véhicule thermique (diesel ou essence).
Une production actuelle de H2 émettrice en CO2
L’essentiel du dihydrogène est actuellement produit par la technique dite du vapo-réformage, qui consiste à casser les molécules de gaz naturel – composé essentiellement de méthane – avec de l’eau. C’est l’une des spécialités du géant Air Liquide et de bien d’autres acteurs, à l’instar de l’allemand Linde, du français Total ou encore du néerlandais Shell. Cette technique comporte une vraie faiblesse : les émissions de CO2. La production d’1 kg de dihydrogène – permettant de parcourir en moyenne 100 km – émet 10 kg de CO2, soit un ratio moyen de 100g de CO2 par km parcouru. L’une des techniques alternatives de production du H2 moins émettrice repose sur la gazéification de la biomasse (déchêts organiques, algues, stations d'épuration, ...).
La France, qui dispose pourtant d’une filière hydrogène d’excellence – grands groupes, start-up et PME, laboratoires de recherche – est le mauvais élève de l’Europe. Focalisés sur les véhicules 100 % électriques à batteries, les pouvoirs publics n’ont jamais œuvré à l’émergence de cette technologie jugée dispendieuse voire dangereuse. Pourtant, en matière de sécurité, les ingénieurs Hyundai n’ont pas lésiné : capteurs de H2 dans l’habitacle, réservoirs quasi indestructibles, … La législation française n’autorise même pas d’installer une station de ravitaillement dans une station-service existante. En Allemagne, Air Liquide vient d’en livrer une sur la station-service Total située à proximité de l’aéroport de Berlin …
Un cadre législatif à construire
Selon Franck Pichot, Directeur Marketing Produits de Hyundai Motor France, il s’agit maintenant de « convaincre les pouvoirs publics et de créer le cadre réglementaire autorisant l’implantation de stations de ravitaillement en France ». Dans l’Hexagone, une station de distribution d’hydrogène est considérée comme une installation industrielle SEVESO, instaurant de fait un périmètre de sécurité. Arnaud Montebourg, le Ministre du Redressement Productif, a annoncé il y a quelques jours avoir entendu les revendications de la filière hydrogène française.
En attendant la création de ce cadre réglementaire et la sortie de terre des premières stations, on ne peut qu’aspirer à voir se développer la production de H2 à partir des énergies renouvelables, bien moins émettrice en CO2 que celle issue du vapo-réformage. Si la location du Hyundai ix35 FCEV interviendra dans les prochaines semaines à Los Angeles, le véhicule sera cantonné en Europe aux collectivités et aux entreprises. Le constructeur sud-coréen s’est engagé à produire 1 000 unités de son SUV d’ici 2015 et à mettre sur le marché un véhicule grand public à partir de 2017.